Si mes chaussures pouvaient parler, elles te raconteraient la poussière et la peur, elles te montrerait l’errance et pourraient le faire pendant plus de mille et une nuits.

Nous venons de loin, de très loin, de ces terres en guerres qui chassent leurs enfants. Troupe errante et fantomatique, nous vivions dans la jungle, avec pour seule pensée, la traversée de la Manche, dernière étape de notre périple.

Ils ne nous laissèrent même pas le temps de récupérer nos tristes affaires lorsqu’ils vinrent nous chasser par un matin d’octobre. Ils rasèrent tout les arbres et les cabanes où nous subsistions, ainsi que les traces de notre présence, nous fûmes embarqués, gommés, anéantis. Nous devînmes rouge, de colère et de honte.

Si nos chaussures pouvaient parler, elles te diraient où nous sommes. Tapis, cachés, dans d’autres trous, dans d’autres jungles, nous guettons, nous rodons, nous espérons, nous vivons.